Dans le cadre du 8e opus des dialogues inattendus, le musée Marmottan Monet invite Carole Benzaken. Pour la première fois, à l’occasion de ses 90 ans, le musée propose à l’artiste d’investir plusieurs de ses espaces. Présentée du 17 octobre 2024 au 16 février 2025, l’exposition « Morceaux choisis » réunit un ensemble d’œuvres de l’artiste, pour la plupart inédites, qui entre en résonance avec les peintures de la dernière période de Claude Monet, le fonds Empire et les collections d’art du Moyen Âge de l’établissement.
Accueillir les rencontres (espaces des dialogues inattendus)
Familière du musée Marmottan Monet depuis son adolescence, Carole Benzaken entretient avec l’institution des liens qu’elle qualifie de « réminiscence proustienne ». Les Nymphéas, œuvre ultime de Claude Monet (1840-1926), ont été l’élément déclencheur de nombreuses visites. Elle en retient l’éclectisme des collections, formées de nombreux dons et legs, ainsi que leur cohabitation, dans une ancienne demeure qui fut celle des collectionneurs Jules et Paul Marmottan.
L’atmosphère intime et érudite du musée l’a intuitivement conduite à créer un dispositif évoquant une bibliothèque de maison privée. Développée dans l’espace contemporain des dialogues, elle fonctionne comme un prolongement, en sous-sol, des anciens espaces domestiques de l’hôtel particulier. Une « nouvelle pièce à vivre » qu’elle matérialise en articulant, sur les murs de la salle, des motifs schématiques de livres avec des monochromes à effet crayonné. Ce projet original, imprimé en lais de papier peint par la maison Isidore Leroy, accueille un ensemble de tableaux récents, pour la plupart spécialement réalisés pour l’exposition. De grand format, leur surface se compose de fragments abstraits, ou figuratifs, accordés les uns aux autres par des arrangements formels et chromatiques. La combinaison des peintures murales imprimées et des toiles, dans une sorte de brouillage illusionniste, produit un éclatement optique de l’espace. Les notions de miroitement, d’environnement et de fluidité font un subtil écho aux dernières recherches picturales du maître de Giverny, ainsi qu’à Joan Mitchell dont Carole Benzaken présente une œuvre (technique pastel et huile), faite à quatre mains avec l’artiste en 1992.
Ce dispositif abrite une pensée multiple et réjouissante, faite de croisements de références, de récits et de lieux que Carole Benzaken se plaît à déplier. Sa sculpture « Conversations », inédite et inattendue est au centre de ce dialogue. Elle déconstruit deux chaises de Style Empire signées Jacob-Desmalter. Les dossiers aux motifs variés sont pliés comme des couvertures de livres, démultipliés en différentes facettes disjointes, et reposent sur des assises inclinées dont les pieds sont en surnombre. « Conversations » est l’endroit de tous les échanges, de toutes les paroles possibles, des plus triviales aux plus secrètes, passées et futures. Elle rend hommage à la dimension humaine propre au musée ainsi qu’à la bibliothèque de Paul Marmottan située à Boulogne-Billancourt.
Benzaken / Verbruggen : La tulipe comme motif (hall du musée – escalier d’honneur)
Carole Benzaken débute en 1990 sa série des Tulipes, à laquelle la Fondation Cartier consacre une exposition en 1994. Ce motif, tiré de catalogues d’horticulture ou de photographies personnelles, est répété sur la toile, frontalement, sous forme de gros plans, et ordonné en différentes séquences dans de grandes compositions. Plus qu’une tentative d’épuisement du sujet, le principe de sérialité qu’elle s’impose répond à un désir de débordement de l’image et de ses devenirs potentiels.
Présentée dans l’escalier d’honneur du musée, menant au premier étage, l’œuvre Marylin entre en dialogue avec la Nature Morte aux fleurs de Verbruggen Le Jeune (1664-1730), composition florale aux tulipes. La facture classique du peintre flamand de nature morte contraste avec la gestualité de la touche et le chromatisme luxuriant de Carole Benzaken, qui conduit peu à peu le regard vers une abstraction expressive au-delà du figuré. L’œuvre porte une distance avec son sujet en même temps qu’elle insiste sur la persistance du motif codifié de la fleur dans l’histoire de l’art.
Dérouler le temps : Le Rouleau à peintures (salle des enluminures)
En 1989, Carole Benzaken débute son Rouleau à peintures, œuvre en constante évolution qu’elle entend, selon ses termes, « continuer à l’infini de sa longueur possible, dans le temps qu’il lui sera donné ». Sur ce rouleau (5,5 cm x 104 mètres à ce jour), elle transpose des extraits de ses archives personnelles provenant de photographies, de captures d’écran ou encore de coupures de journaux et de magazines. Chaque image est peinte avec le soin d’une peinture miniature traditionnelle. Le cadrage et le montage induits par la juxtaposition de ces peintures rappellent le format pellicule 35mm. L’œil circule dans un flux ininterrompu de fragments du réel. Avec le temps, le Rouleau à peintures, devenu une mémoire picturale et un journal intime, dévoile les intérêts et l’évolution du style de l’artiste.
Commissariat : Sylvie Carlier, directrice des collections du musée Marmottan Monet et Anne-Sophie Luyton, attachée de conservation au musée Marmottan Monet
17 octobre 2024 - 16 février 2025
TARIFS
Plein tarif : 14 euros
Tarif réduit 9 euros
Moins de 7 ans : gratuit