Le musée Marmottan Monet invite, du 18 octobre 2023 au 24 mars 2024, pour le septième opus des Dialogues inattendus, l’artiste Anne Laure Sacriste. C’est un tableau d’Edouard Manet que l’artiste a choisi et plus particulièrement un portrait de Berthe Morisot (1841-1895): Portrait de Berthe Morisot étendue (1873).
À l’origine de cette œuvre, il y a la rencontre, au Louvre, en 1868, entre Manet et la jeune artiste présentés par l’intermédiaire d’Henri Fantin-Latour alors qu’elle copiait un tableau de Rubens.
Comme d’autres artistes femmes à l’époque, Berthe Morisot est aussi modèle. Si Victorine Meurent (1844-1928), peintre elle aussi, est l’héroïne d’Olympia (1863) et du Déjeuner sur l’herbe (1863) ou encore de Jeune dame ou La femme au perroquet (1866), Berthe Morisot, elle, est la femme du Balcon (1868-69) et celle de nombreux portraits.
De très petites dimensions (26 x 34 cm), ce tableau (Portrait de Berthe Morisot étendue) représente Berthe Morisot allongée sur un canapé, vêtue d’un vêtement d’un noir profond se détachant sur le fond d’un papier peint rouge. Manet n’en conserve que le visage, découpant la toile, se séparant du corps, recadrant son tableau et finalement l’offrant ainsi à l’artiste qui le garda toute sa vie.
En choisissant cette œuvre, Anne Laure Sacriste interroge le regard d’un homme (Edouard Manet) sur une femme (Berthe Morisot). La peinture révèle le désir, la sensualité et la complicité aussi qui unissait les deux artistes. Autant de qualificatifs que met en abîme Anne Laure Sacriste en proposant sa propre vision de ce visage dans une héliogravure qu’elle confronte au tableau original. Le portrait est réinterprété par le décentrement du visage qui devient la réminiscence d’une image fantomatique apparaissant derrière un voile noir, sorte de monochrome figuratif.
Ce jeu d’image double et de reprise conditionne l’ensemble de l’exposition où, dans la pénombre, des cercles en cuivre accrochés fonctionnent comme des oculi. Ces « yeux suspendus » conduisent notre regard et proposent une circulation là où se rejoue par la peinture, le film (Les Jumeaux, 2014) ou encore la sculpture (une grande plaque de cuivre où apparaissent des motifs de ronces et une majestueuse tortue en céramique nommée Berthe – un clin d’œil au prénom de Berthe Morisot – dépourvue des artifices de celle de Jean des Esseintes dans À Rebours). Autant de manières de traiter ces questions d’apparition et de disparition de l’image qui sont chères à Anne Laure Sacriste et place ainsi sa réflexion artistique dans le champ élargi de la peinture, celui des espaces de la peinture.
Extrait de L’œuvre est un rendez-vous, Avant-propos du catalogue de l’exposition.
Commissariat : Valérie Da Costa, historienne de l’art, critique d’art et commissaire d’exposition.
18 octobre 2023 – 24 mars 2024
TARIFS
Plein tarif : 14 euros
Tarif réduit 9 euros
Moins de 7 ans : gratuit